Inspiration, plagiat, copie… Questions sensibles !
La création ne surgit pas d’une boîte hermétique.
Les artistes sont des éponges, malgré eux. Sensibles à leur environnement, leur création est le fruit d’une longue histoire. Celle de l’art, bien entendu, mais aussi de l’inconscient collectif. En cela, ils sont tous un peu des copieurs.
Dit ainsi, ce propos peut paraître choquant. J'avoue cependant bien volontiers mon envie de secouer un peu le cocotier à propos de cette rengaine lancinante que j'entends régulièrement depuis que je fréquente le milieu artistique. En effet pas un salon sans percevoir dans une conversation « c'est une copie de un-tel », « c'est la même chose que cet artiste hyper connu, mince je ne me souviens plus de son nom, mais tu vois de qui je parle ?... ». Je suis certaine que vous avez déjà entendu de tels propos, souvent peut-être même !
Copie n'est pas plagiat
Entendons-nous bien, je ne parle pas de plagiat, ni bien évidemment de contrefaçon. Ces pratiques sont à bannir car elles sont « l’œuvre » d'escrocs qui se déshonorent.
Je veux évoquer ici les univers artistiques ressemblant à ceux d'autres artistes contemporains ou entrés dans l'histoire de l'art.
Pour ma part, le public m'a souvent fait part de ce que mon travail évoque tel artiste ou tel univers. Je suis parfois interloquée mais la plupart du temps je trouve cela très judicieux. Parfois même, c'est tout à fait revendiqué de ma part. Ainsi on me disait récemment que ma série des Dryades évoque l'univers des préraphaélites. Et bien vous savez quoi, c'est le plus grand des compliments que l'on puisse me faire ! Car oui, je m'inspire très ouvertement des artistes comme Waterhouse ou Rossetti et d'autres encore qui eux-mêmes se sont inspirés de ce mouvement artistique anglais du XIXème siècle.
C'est l'histoire de l'art
Alors vous me voyez sans doute venir, ce que certains esprits réducteurs pourraient associer à de la copie pure et simple n'est autre que le mouvement de l'histoire l'art. Il n'y aurait jamais eu de mouvement artistique si les artistes s'étaient interdit d'être inspirés par d'autres. D'ailleurs la plupart des mouvements modernes ont été lancés et structurés par des groupes d'artistes que leur sensibilité et envies réunissaient. Les idées des uns étaient nourries par d'autres dans un cercle vertueux qui à permis à tant de chefs d’œuvre d'être crées.
Qui peut prétendre aujourd'hui créer sans influence ?
Il est évident que certains artistes contemporains parviennent à créer des œuvres réellement innovantes. Mais, si on prend la peine d'interroger ces mêmes artistes, on découvre de façon certaine que leur imaginaire et leur culture artistique ont été nourries par un nombre incalculable d'influences, parfois même très classiques. Le Caravage, la peinture flamande sont, entre autres, un socle solide sur lequel tant d'artistes aux expressions très contemporaines s'appuient.
Faudrait-il tous les censurer ?
Faudrait-il que nous rangions notre matériel et que nous désertions nos ateliers ?
Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que nous sommes tous sous influence. C'est ainsi que nous grandissons en copiant les gestes de nos parents pour apprendre à marcher, en essayant de reproduire les sons qu'ils émettent pour acquérir la parole. Nous sommes des êtres profondément sociaux. Nous évoluons au contact de l'autre et grâce à toutes les interactions dans lesquelles nous sommes impliqués.
Le jugement
Dans cette rengaine désagréable que je souhaite mettre au tapis aujourd'hui, je n'oublie pas la petite musique de notre juge intérieur qui, pour se rassurer, aime tant clouer l'autre au pilori. Mais que savons-nous réellement des coulisses de l'atelier, de ce qui se joue dans l'intimité de la création de celui qu'on prétend pouvoir juger?
La réponse est simple : Rien !
La création est un espace si personnel, si mystérieux qu'il me paraît bien orgueilleux de condamner qui que ce soit. Je l'ai fait, bien des fois. Aujourd'hui encore, je suis parfois tentée mais lorsque que cela advient, je reviens à ma propre pratique, à mon intériorité et à ma vérité en reconnaissant à l'autre qu'il est tout aussi légitime que moi. Ni plus, ni moins ! Car toute pratique est digne d'être.
Admettre que je copie aussi
J'ai la conviction que juger l'autre, c'est se juger soi. Ainsi, sur le sujet qui nous occupe, celui qui juge du haut de ses certitudes est souvent celui qui n'a pas admis sa propre part de copieur. Celui qui n'est pas tout à fait au clair avec l'idée qu'il s'est un jour inspiré directement du concept ou de la technique d'un autre.
En réponse à cela, je propose de méditer sur ce qui nous habite profondément en considérant que ce qui se joue-là n'est autre que la peur du regard de l'autre. La peur que le jugement que nous portons sur l'autre nous soit précisément administré.
A nous tous, je dis : libérons-nous de cette angoisse pour revenir à une créativité inspirée ET libre dans laquelle nous trouverons notre plein potentiel d'artiste !
Et à tous ceux qui jugent sans rien faire, je dis : allez-y , faites! Et je ne serai pas là pour vous juger mais pour vous encourager !